jeudi, janvier 27, 2005

Objet : candidature au poste de responsable de l’information

Madame, Monsieur,

La recherche d’un emploi est une lutte stressante contre un ennemi à deux visages, ou plutôt disposant d’un masque, la conviction que CA VA ETRE DIFFICILE de toute façon, et la fâcheuse tendance qu’à celle-ci de se parer régulièrement des atours du NAN MAIS C’EST BON J’ASSURE JE TROUVE DU TAF QUAND JE VEUX, ignorant le principe élémentaire que l’inactivité, mal négociée, éloigne plus qu’elle ne rapproche de l’emploi. Cette transformation s’opère dans les deux sens, sans crier gare, répondant à des stimuli tels que l’offre d’emploi ultime – encore une – au diapason d’un seul CV, le sien – une symbiose parfaite qui rappelle la réunion des deux moitiés d’antique médaillons entre les mains du Mage Rincevent. L’emboîtement est unilatéralement considéré comme nul et non avenu et la déception post-refus confirme que oui, ça va vraiment être difficile. Au moment où mon stylo délivre l’encre (ou plutôt que mon annulaire gauche s’écrase sur le « a » pour la quatorze-mille-cent-quatre-vingt-troisième fois) qui trace peut-être une voie vers une nouvelle désillusion, je ne vous cache pas que c’est désormais sûr, je suis convaincu d’avoir trouvé LE boulot, MON boulot… D’ailleurs, les chiffres parlent d’eux-mêmes : le CRY a diffusé 45 220 annonces en 2 ans et contribué à la création de 735 groupes répétant régulièrement et s’essayant à la production « soignée » (concerts, enregistrement, etc.…) et un volume croissant d’archives (morceaux, partitions, interviews, presse…) toutes consultables électroniquement font du Centre une référence désormais nationale dans l’approche des musiques amplifiées. Les milliers de concerts et de dialogues passés entre nos oreilles nous ont permis d’établir un pôle « Formation » performant, répondant aux demandes de tout niveau, pour tout instrument ou toutes les phases de la production musicale. Goran, qui sort à l’instant de notre bureau, est le guitariste d’Un Bruit Dans Mon Oreille, notre ET, celui que l’on veut présenter au monde entier mais aussi garder exclusivement pour soi. Vainqueur du Tremplin des Lycées d’Ile-de-France, record des Yvelines des heures passées consécutivement en studio, 20 000 téléchargements sur le site Internet, une première partie de Beck aux Eurockéènnes, un inoubliable sujet dans Tracks .
Le réalisateur du reportage, Gilbert, travaille avec moi désormais. J’assure le fonctionnement de l’interface « utilisateur », la partie émergée de l’iceberg en sorte, et lui c’est le dénicheur, un écumeur de studio, de salles de concert, toujours à l’affût d’un son, d’une note lorsqu’il se déplace, comptant sur une connaissance inégalable de tous les rouages de la production musicale et l’incroyable don de susciter l’intérêt (je soupçonne son chien-guide d’être un discret catalyseur de cet intérêt). Depuis son arrivée, la vitesse de notre croisière a cru exponentiellement et le CRY est dorénavant un incontestable point de ralliement de toutes et celles et ceux qui partagent une relation suivie avec un instrument de musique.
Pong est le troisième larron de l’équipe. Comme nous il a apporté sa pierre à l’édifice, mais… elle bouge. Elle ne soutient pour ainsi dire rien. On peut l’ôter de l’ensemble et la remplacer par une paire de bigoudis, une assiette de boudin aux pommes ou une trousse de toilette. Pang c’est le bizarre de la dream team, on ne l’appelle pas Pong sans raison même si nous avons depuis longtemps oublié pourquoi nous le faisons. Il est fiancé à Barb, celle de Barb et les Barbouzes, reine du half-spin-twist, idole du Marais parisien et des soirées de Madame l’Ambassadeur. Son truc à Pong, c’est les antiquités musicales, les arrière-cours du Tsin-Tsin Megastore débordant de trucs sans vie – Def Leppard, Mylène Farmer, Ingwie Malmsteen…- et empiriquement un fiable indicateur du choix à ne pas faire. D’ailleurs je m’aperçois que Pong inspire ce récit depuis plusieurs minutes déjà. C’est donc le moment de l’interrompre.

Pour vous rappeler les raisons pour lesquelles je candidatais il y a huit ans de cela. Nous sommes en janvier 2005. Diplômé depuis quelque mois, je sens que le délai accordé aux tire-au-flanc après un examen réussi est largement dépassé, et que commencent à alterner les périodes d’enthousiasme naïf lors desquelles je me fais tout un tas de films à la lecture d’une offre intéressante, et les périodes de désillusion. Le « ça va être difficile » succède invariablement au « c’est bon j’assure je trouve du taf quand je veux »…J’élabore la théorie du transfert de conviction.
Mes expériences diverses semblent s’enchaîner avec succès, mais elles manquent d’un élément commun, d’un but partagé dont la poursuite devient plus vaillante et plus convaincue au fil de ces successions. Mais j’en suis désormais conscient.
L’aiguille de la boussole ralentit en effectuant un dernier tour, croisant une ultime fois l’immuable position des Points Cardinaux : l’aide, la musique, la collectivité, les autres ; celle des graduations : Conseils de Quartier, ateliers, animation, Mairie du XIXème, réunions, répétitions, interviews, site Internet, Interneto, bénévolat, cours (qui a dit que l’inactivité éloigne plus de l’emploi qu’elle n’en rapproche ?!?)… Toutes les graduations convergent vers un point au centre du cadran, mon centre, mon axe. Finalement l’aiguille avait besoin qu’on lui rappelle la deuxième direction qu’elle indique. Le Nord a toujours attendu à l’opposé, le Nord c’est…

C’est à vous de me le dire car la coutume veut qu’en une telle circonstance, l’auteur de la première lettre ne décide pas de son sort (ou est-ce l’inverse, je me trompe souvent). J’en ai d’ailleurs fait l’expérience il y a quelques années, à la faveur d’une offre d’emploi du CRY, que j’ai crue bon de convoiter. Les plus belles histoires commençant toujours par un constat régulier d’incompatibilité avérée, je ne doute pas que vous m’autoriserez à envisager un nouveau refus avec sérénité, puisqu’il annonce forcément un dénouement heureux et une collaboration étincelante.

Je suis toutefois à votre disposition si vous vouliez attaquer au plus tôt la première page de cette histoire. Dans cette attente, je vous prie de croire, Madame, Monsieur, en l’expression de mes sentiments les meilleurs.

2 commentaires:

Dévi a dit…

Ben c'est super interessant Chacal, Pis le CRY ...Doit y'avoir un site à visiter?...Ça me dirait d'aller y jeter un oeil...Té les deux même pourquoi pas...!
Merci et bonne journée
A pluche

El Ultimo Bastardo a dit…

Je te verrai plus comme Directeur de la DÉSINFORMATION toi ...

ou alors Barman .... (J'ai pas dit Batman ....)

mais bon j'dis ça ...